23 sept. 2009

Des mal-aimés

Conteur doué d’origine turque et vivant à Genève, l’auteur Metin Arditi confirme son talent dans un roman fragile et bouleversant, Loin des bras publié chez Actes Sud. L’histoire se passe à la fin des années 50 au bord du lac Léman dans un luxueux pensionnat pour gosses de riches, l’Institut Alderson. L’école vit des moments difficiles et pourrait changer de propriétaire, ce qui inquiète plus d’un professeur. L’occasion pour l’auteur de sonder ces âmes tourmentées et d’aborder des thèmes aussi variés que le deuil d’un enfant, l’homosexualité, la collaboration pendant la guerre ou encore l’addiction au jeu. Tout au long de ces 426 pages, Metin Arditi donne tour à tour la parole à chacun des professeurs qui nous raconte son histoire, ses regrets, ses échecs, ses désirs. Des professeurs aussi complexes et déchirés que certains de leurs élèves mal aimés et crevant de solitude. L’auteur brosse avec maîtrise et empathie des portraits attachants et plein d’humanité par le biais d’une écriture fluide et factuelle.

Loin des bras, Metin Arditi, Actes Sud, 426 p.

22 sept. 2009

Des nouvelles de Maître Berenboom


Auteur de huit romans, Alain Berenboom publie en ce mois de septembre un recueil de nouvelles aux éditions du Cri, Le Maître du savon. Des nouvelles anciennes et plus récentes – certaines avaient déjà fait l’objet d’une publication sous le titre de L’Auberge espagnole et autres histoires belges - qui offrent à voir un pan de l’histoire de sa famille à Schaerbeek où son père était pharmacien. L’occasion de s’immiscer dans un univers truffé comme toujours de références au cinéma, à la littérature et à la politique. Et d’entrevoir ce qui fait son regard caustique et lucide sur le monde tel qu’il est. L’occasion aussi de faire connaissance avec des personnages hauts-en couleur comme l’épicier lituanien qui pour se faire naturaliser joue les Supermans dans le quartier, le magicien qui découpe réellement sa femme, la jeune Mongole coincée à Zaventem et passionnée de Shakespeare ou encore le prisonnier passé maître dans l’élaboration de figurines en savon. Tout un programme en perspective ! Un programme tendre et savoureux qui fait passer le temps trop vite. A découvrir ou redécouvrir.

Le Maître du savon
, Alain Berenboom, Le Cri

10 sept. 2009

Vérité judicaire

Du côté des romans belges, épinglons Tu ne jugeras point d’Armel Job paru aux éditions Robert Laffont. Les romans d’Armel Job sont toujours à la fois entraînants et très sobres - deux qualités qui ne sont pas forcément faciles à conjuguer -, et parviennent à sonder l’âme humaine de manière pertinente. Et ce dernier roman ne fait pas exception à la règle: il scrute une affaire à la base sordide puisqu’il est question d’un enlèvement d’enfant. Le juge Conrad qui est chargé de l’affaire se demande, après quelques interrogatoires, si la mère n’est pas responsable de la mort de son petit garçon… Si la thématique semble tragique, l’enjeu est en fait surtout de s’interroger sur ce qui fonde la culpabilité, la honte et une certaine forme de dignité. Le roman nous prend dans ses filets et ne nous lâche plus. L’enquête, les interrogatoires et la reconstitution nous entraînent dans un roman passionnant à la frontière entre le roman policier et le roman psychologique où force est de constater que la vérité judicaire est à cent lieues de la vérité intime.
Tu ne jugeras point, Armel Job, Robert Laffont

8 sept. 2009

Du côté du roman belge

Retenons encore pour cette rentrée littéraire belge le roman de Nicolas Ancion, L’Homme qui valait 35 milliards, un texte qui fait la part belle à la fantaisie mais aussi à l’actualité puisque le héros, un artiste-plasticien, kidnappe Monsieur Mittal, le patron du groupe sidérurgique du même nom, et l’oblige à réaliser des œuvres d’art contemporaines. A côté de l'aspect loufoque et délirant de l'entreprise, il y a tout au long de ces pages une réflexion sur la société actuelle et, on l'aura compris, une attaque en règle à l’encontre des capitaines d’industrie qui délocalisent pour augmenter les bénéfices. Le roman a enfin ceci de particulier qu’il raconte en parallèle plusieurs histoires qui se recoupent (ou pas), et qui ont en commun la bonne humeur, la tendresse et une humanité de bistrot sympathique. On sent que l’auteur s’amuse, et on ne peut s'empêcher de s’amuser avec lui.
L'Homme qui valait 35 milliards, Nicolas Ancion, Editions Luc Pire

7 sept. 2009

Une conjuration... magnifique

Côté roman classique et incontournable (que je n’avais pas encore lu), l’été a été l’occasion de me plonger dans le délirant roman de John Kennedy Toole La Conjuration des imbéciles, une merveille de fantaisie et de drôlerie. L’hypocondriaque et méprisant Ignatius – un personnage à proprement parlé odieux - nous fait découvrir une Amérique qu’il déteste et qu’il critique sans vergogne. Il abhorre ses contemporains dont en première ligne sa mère, une pauvre femme percluse de rhumatismes et alcoolique à ses heures. L’auteur nous conte la Nouvelle-Orléans des années 60 au travers d’une langue exotique, et des personnages inoubliables. Jouissif !

La Conjuration des imbéciles, John Kennedy Toole , 10/18

6 sept. 2009

Enfin de retour sur ce blog après deux mois d'absence

Un éloignement bénéfique : l’été fut chaud et riche en lectures diverses. Voici en quelques mots un aperçu de mes découvertes livresques.

A signaler un roman poétique du Montréalais d’origine haïtienne Dany Laferrière qui publie aux éditions Grasset un roman magnifique sur son exil d’Haïti au Canada, et son retour trente ans après sur sa terre d’origine. Poignant, digne et beau, L’Enigme du retour est un des romans les plus personnels et les plus réussis de Dany Laferrière. On ne peut qu’être impressionné par la richesse de l’écriture qui dit magnifiquement la misère d’Haïti. Portrait touchant de l’île, le texte aborde la thématique de l’exil avec beaucoup de douceur, de lucidité et une pointe d’amertume. Le roman n’évoque pas que l’exil de l’espace, il aborde aussi l’exil du temps et la nostalgie de l’enfance (particulièrement bien rendue tout au long de ces 300 pages). Le roman est parsemé de réflexions sur la vie, sur l’absence du père, sur la dictature du temps des Duvalier et des tontons Macoutes, sur la difficulté de revenir au pays. Un livre plein de sagesse… à lire sans hésiter.
L’Enigme du retour, Dany Laferrière, Grasset