Avant de devenir docteur en philosophie et d’écrire son premier roman, Clancy Martin a fait fortune dans la joaillerie au Texas. C’est dire s’il connaît l’univers du bijou de luxe et de ses arnaques qu’il dévoile avec brio dans son livre Tout a un prix. Le roman campe un jeune garçon, Bobby, qui après s’être fait expulser du lycée, quitte son Canada natal pour rejoindre en Amérique son frère aîné Jim Clack, vendeur dans une des plus grandes bijouteries de Dallas. Rapidement initié aux trucs et astuces de la vente, Bobby se révèle incroyablement doué. Comme son frère, il devient un as de l’escroquerie : il vend de fausses Rolex et fait passer de l’or blanc pour de la platine.
Il n'y a qu'une catégorie de gens qui pensent plus à l'argent que les riches, ce sont les pauvres. La boutade d’Oscar Wilde est d’autant plus vraie que les deux frères sont obsédés par la fortune qu’ils n’ont pas. Tout est bon pour l’amasser, quitte comme Bobby à piquer dans les caisses du magasin. Comme l’a écrit le romancier italien Carlo Dossi, à beaucoup de gens, il ne manque que de l’argent pour être honnêtes. Pour Jim et Bobby, l’honnêteté ce sera pour plus tard, lorsqu’ils s’en seront mis plein les poches. Mais l’argent appelle l’argent, et la culpabilité ne pointe guère le bout de son nez. Pour les deux frères, tout se gagne, même les sentiments. Il faudra un lent parcours initiatique au jeune Bobby pour réaliser que si tout a un prix, tout ne s’achète pas.
Si le roman aborde avec tendresse la complicité qui unit les deux frères (qui se trahissent parfois mais s’aiment quoiqu’il advienne), il met surtout en lumière la somme de travail qu’abattent ces vendeurs. Reflet d’une société américaine pour laquelle le labeur et le fric sont rois, l’expression « le temps c’est de l’argent » prend ici tout son sens : Jim et Bobby passent 16 heures par jour, six jours sur sept au magasin. Pour tenir le coup, les deux acharnés recourent à la cocaïne et voient petit à petit leur famille exposer : pas assez de temps et de patience après une journée de boulot pour s’occuper de leur femme et de leurs enfants. Côté vie privée, tout se délite donc et pour Bobby, c’est la désillusion. Personnage tendre et fragile, il ruine sa vie pour la gagner.
Clancy Martin manie la plume avec aisance et brosse un portrait acide du monde de la vente, un sujet somme toute peu abordé en littérature (à part précisément aux Etats-Unis comme dans la célèbre pièce d’Arthur Miller, Mort d’un commis voyageur). L’écriture est limpide, aérée, sobre. On s’enchante de la capacité de l’auteur à avoir digéré et hissé des éléments autobiographiques en un roman de si haute qualité.
Tout a un prix, Clancy Martin, traduit de l’américain par Olivier Deparis, Editions de l’Olivier, 303 p. (Article paru dans le Vif/L'Express du 3 juin 09)
Il n'y a qu'une catégorie de gens qui pensent plus à l'argent que les riches, ce sont les pauvres. La boutade d’Oscar Wilde est d’autant plus vraie que les deux frères sont obsédés par la fortune qu’ils n’ont pas. Tout est bon pour l’amasser, quitte comme Bobby à piquer dans les caisses du magasin. Comme l’a écrit le romancier italien Carlo Dossi, à beaucoup de gens, il ne manque que de l’argent pour être honnêtes. Pour Jim et Bobby, l’honnêteté ce sera pour plus tard, lorsqu’ils s’en seront mis plein les poches. Mais l’argent appelle l’argent, et la culpabilité ne pointe guère le bout de son nez. Pour les deux frères, tout se gagne, même les sentiments. Il faudra un lent parcours initiatique au jeune Bobby pour réaliser que si tout a un prix, tout ne s’achète pas.
Si le roman aborde avec tendresse la complicité qui unit les deux frères (qui se trahissent parfois mais s’aiment quoiqu’il advienne), il met surtout en lumière la somme de travail qu’abattent ces vendeurs. Reflet d’une société américaine pour laquelle le labeur et le fric sont rois, l’expression « le temps c’est de l’argent » prend ici tout son sens : Jim et Bobby passent 16 heures par jour, six jours sur sept au magasin. Pour tenir le coup, les deux acharnés recourent à la cocaïne et voient petit à petit leur famille exposer : pas assez de temps et de patience après une journée de boulot pour s’occuper de leur femme et de leurs enfants. Côté vie privée, tout se délite donc et pour Bobby, c’est la désillusion. Personnage tendre et fragile, il ruine sa vie pour la gagner.
Clancy Martin manie la plume avec aisance et brosse un portrait acide du monde de la vente, un sujet somme toute peu abordé en littérature (à part précisément aux Etats-Unis comme dans la célèbre pièce d’Arthur Miller, Mort d’un commis voyageur). L’écriture est limpide, aérée, sobre. On s’enchante de la capacité de l’auteur à avoir digéré et hissé des éléments autobiographiques en un roman de si haute qualité.
Tout a un prix, Clancy Martin, traduit de l’américain par Olivier Deparis, Editions de l’Olivier, 303 p. (Article paru dans le Vif/L'Express du 3 juin 09)
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