13 nov. 2009

Le trou du cul du monde

Le monde n’a pas deux trous du cul : il n’en a qu’un seul et c’est ici. Nous voilà prévenus. Les personnages du premier (et ô combien formidable) roman « On ne boit pas les rats-kangourous » d’Estelle Nollet n’ont qu’à bien se tenir ; ils évoluent dans un univers parallèle, au carrefour de rien, et n’ont pour tout point de ralliement qu’un bar crasseux où se perdre dans l’alcool. Ils sont une quinzaine, et se sont retrouvés il y a vingt ans dans ce coin perdu, dans ce désert de sable et de rocaille où le soleil cogne dur. Depuis tout ce temps, Dan, Martha, Blanca, Samentha, Dorine, Morkat et les autres cherchent la sortie. Comment quitter ce trou paumé où seuls des dizaines de camions viennent de là-bas, de l’ancien monde, déverser quotidiennement des immondices derrière le bar ? Il y a bien pour se ravitailler le magasin de Den le muet. Il est là depuis toujours, il en sait plus long que quiconque mais il ne prononce pas un mot. Il se contente de vendre des objets usuels et de la nourriture à ce petit groupe d’hommes en perdition. Drôle d’atmosphère, tous traînent leur carcasse d’un jour à l’autre avec pour seule échappatoire le bar où ils ingurgitent, le soir venu, bière et whisky. Entre faux espoirs et fatalité, ces compagnons d’infortune supportent tant bien que mal la promiscuité et le huis clos auxquels ils sont condamnés, en s’inventant des histoires pour oublier qu’ils ne sont peut-être pas là par hasard.
Willie, lui, est né dans ce lieu perdu, il n’a pas connu le monde du dehors, et il se demande ce qui les relie tous, pourquoi ils ont débouché dans cet enfer sur terre. Expiation d’une faute ? Rédemption? Pardon ? Willie en tout cas n’a rien à se reprocher, il cherche à savoir, et son enquête va le mener bien au-delà de ce qu’il aurait pu imaginer...
Merci Madame Nollet pour cette fable dont l’écriture musicale hypnotise et enchante, merci pour cet univers sibyllin qui regorge d’images intenses et inoubliables, où les dialogues sont arides et vont à l’essentiel, où la sobriété implique d’accepter de vivre avec soi-même…
"On ne boit pas les rats-kangourous", Estelle Nollet, Albin Michel, 328 p.

3 commentaires:

  1. Intéressant! Cela me rappelle le roman "Cul-de-sac" de Douglas Kennedy, mais aussi "Rade Terminus" de Nicolas Fargues. Et comme j'aime bien les histoires de trou du c... du monde, celle-ci pourrait me botter. Merci pour le tuyau!

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  2. Oui foncez, c'est un très très bon roman!

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