19 déc. 2011

Une guerre sans nom


Skoda, Olivier Sillig, Buchet Chastel, 101 pages

Le Suisse Olivier Sillig nous propose un récit poignant. Une fable sur la guerre, quelque part dans le monde, en Europe ou ailleurs. On n’en connait ni les motifs, ni le contexte, ni les protagonistes. Le roman commence avec cette image: un homme reprend conscience au milieu de ses camarades morts. Il se lève et fait quelque pas jusqu’à une voiture arrêtée le long du chemin, une Skoda criblée de balles. À l’intérieur, il découvre un couple mort. Seul un bébé respire encore. L’homme hésite un bref instant puis il prend l’enfant et part sur la route. Alors que la guerre fait rage, un lien va imperceptiblement se créer entre l'homme et l'enfant.
La narration est épurée, clinique et efficace pour un court roman qui marque les esprits et qui tient, de a à z, toutes ses promesses.

11 déc. 2011

Hommage rendu




Œuvres complètes (vol 1 et 2), Irène Némirovsky, coffret Le Livre de Poche, collection La Pochothèque. Édition établie par Olivier Philipponnat et préfacée par Denise Epstein, 3900 pages

Ca y est, c’est foutu, on y est ! Plus moyen de faire un pas dehors sans être confrontés à ces horribles décorations lumineuses de Noël. Entre les rennes qui clignotent en rose et vert, qui broutent ou qui regardent passer les chiens du quartier, et des Pères Noëls en mauvaise posture à moitié pendus aux toits des maisons, on doit aussi se coltiner les ours polaires (profitons-en parce qu’avec le réchauffement…) et des locomotives étincelantes (je n’ai jamais compris ce que venaient faire les petits trains là-dedans, mais bon…). Je passe les chandeliers à 7 branches aux fenêtres qui jouxtent la crèche chrétienne : comme quoi le Belge est, sans le savoir, très ouvert aux autres cultures (et à la Ménorah juive), tant mieux voilà au moins un point positif. Quant au petit Jésus, il est couché sur son lit de paille dès le 1er décembre (j’ignorais qu’il était né prématuré). Bref. Puisqu’il est difficile d’éviter les fêtes de fin d’année et leur cortège d’illuminations (pauvre planète, ce n’est pas comme ça qu’on pourra se passer des centrales nucléaires...), de foie gras (pauvres canards et oies qui n’ont pas la chance d’un certain bœuf et d’un certain âne…) et de cadeaux, et qu’on paraîtrait vraiment mesquins de passer le réveillon dans sa cuisine sous un néon blafard avec un bol de noodles, autant œuvrer pour le bien en offrant des livres intelligents. J’attire dès lors votre attention sur la parution en coffret des Œuvres complètes d’Irène Némirovsky. Ce serait dommage de se priver des 3900 pages que contiennent les deux volumes du coffret. On y retrouve l’ensemble de ses écrits (ceux d’avant et pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi que ses écrits posthumes) : textes de jeunesse, nouvelles, scenarii et romans. L’édition est établie par Olivier Philipponnat qui introduit chacun des deux volumes par une longue analyse de l’œuvre. Quant à la préface, on la doit à Denise Epstein, la fille de l’auteure. Lire ou relire Irène Némirovky permet de s’évader dans un univers romanesque riche, loin des flonflons commerciaux du mois de décembre. Alors rendons-lui hommage et lisons ces merveilleuses pages. Et peu importe qu’on ait pu dire d’elle qu’elle s’est convertie au catholicisme pour sauver sa peau (elle ne l’a pas sauvée en attendant...), peu importe qu’elle ait davantage écrit dans la presse de droite que dans la presse de gauche, accordons-lui au moins le mérite d’être une femme de lettres à part entière. Et joyeux noodles à tous !

4 déc. 2011

Un don particulier


Le bon, la brute, etc., Estelle Nollet, Albin Michel, 341 pages

Il y a deux ans, Estelle Nollet s’était fait remarquer pour un original premier roman au titre déconcertant, On ne boit pas les rats kangourous. Elle remet le couvert avec un nouveau roman inédit et tonique, Le bon, la brute, etc. On y suit deux personnages. Le premier, Bang, est un brave garçon doté d’un don pour le moins glaçant : dès qu’il croise le regard des passants, ceux-ci se mettent à lui confier leurs pires secrets. Bang fuit donc le plus possible les gens, au risque de devenir complètement asocial. Heureusement, le second personnage, une jeune femme malade prénommée Nao et rencontrée par hasard dans un bar, résiste très bien au don de Bang. Forts d’une complicité naissante, tous deux décident de parcourir le monde, de Bali au Mexique en passant par la Centrafrique. Indéniablement, on retrouve dans Le Bon, la brute, etc. le talent de conteuse d’Estelle Nollet. Elle nous prouve qu’elle peut changer d’univers et de registre tout en gardant les qualités narratives dont elle avait fait preuve dans son premier opus. Ceci dit, je dois l'avouer, j’ai un petit faible pour On ne boit pas les rats kangourous