20 mars 2009

Implacable mécanique


Il est des livres dont on ne mesure le mystère qu’aux derniers chapitres et où la chute fait reconsidérer après coup toute l’histoire. C’est le cas de Délit de fuite de la romancière française Dominique Dyens qui nous entraîne de grand-routes anodines vers des chemins de traverses inquiétants. Son héroïne, Anne Duval, est une femme brillante qui mène de main de maître une carrière de cadre dans une société de publicité. Mais côté cœur, à trente-six ans, Anne est terrorisée à l’idée de finir sa vie célibataire. Sa peur de la solitude tourne à l’obsession, voire à la névrose. Sur un coup de tête, elle quitte son job et s’enfuit sur les routes de France. Jusque là, l’histoire a un vague goût de déjà vu mais la romancière nous attend au tournant. Imbriquant en virtuose un roman dans le roman, elle nous entraîne loin sur les pentes de la manipulation. Thriller psychologique déstabilisant, Délit de fuite mêle étroitement folie, amour et mort.

Délit de fuite. Par Dominique Dyens, Héloïse d’Ormesson, 184 p. (Article paru dans le Vif L'Express du 13 mars 2009)

Vague brune

La collection Espace Nord reprend sous format de poche le roman de Vincent Engel paru chez Fayard en 2002 (à l’époque sous le pseudonyme de Baptiste Morgan). L’occasion de faire le point sur ce livre controversé. Si certains l’ont qualifié de fable simpliste, c’est perdre de vue que ce roman incite à la vigilance politique, comme le souligne Michel Lisse. Le roman dresse le portrait de deux hommes: Jorg von Elpen, chef de fil d’un parti d’extrême-droite, populiste et antisémite. Et son voisin Otto, un banal vendeur d’aquariums, replié sur sa petite vie, qui ne veut pas d’ennuis et reste parfaitement indifférent à la manière dont tourne le monde. Mais, de l’indifférence à l’indigne, il n’y a qu’un pas. L’auteur démonte le terrible mécanisme qui conduit du renoncement à la soumission. Peu à peu, Otto va devenir un bourreau à la solde de von Elpen. Vincent Engel, dont on connaît les prises de position face à la recrudescence du fascisme, nous propose ici un glaçant miroir des dérives possibles de l’individualisme forcené, et de l’utilisation pernicieuse des médias. En ces temps bousculés, on recevra ce roman comme un salutaire électrochoc face aux risques politiques que la crise pourrait entraîner, comme jadis celle des années trente.

Mon voisin, c’est quelqu’un, Nature morte V. Par Vincent Engel, Luc Pire, 199 p. (Article paru dans le Vif L'Express du 13 mars 2009)

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