Scénariste depuis quinze ans, la Britannique Sadie Jones fait ses premiers pas en littérature avec un roman très réussi. L’histoire se passe dans un petit village au Sud de Londres, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Pendant les quatre années de mobilisation de son père, une grande connivence s’est établie entre le jeune Lewis Aldridge et sa mère, une femme libre d’esprit et indépendante. Le retour de Gilbert, père maladroit et froid, marque un premier tournant dans la vie du garçon. Le second coup dur, beaucoup plus violent celui-là, est la mort tragique de sa mère qui se noie sous ses yeux. Ebranlé par les événements et le manque d’affection de son père, Lewis se referme sur lui-même. Automutilation, violence non contrôlée, Lewis sombre peu à peu dans une adolescence chaotique. Il est rejeté par ses amis et n’éprouve aucune sympathie pour sa démissionnaire belle-mère. Par plusieurs actes incompris de ses proches, il se met au ban de la société bien-pensante de Waterford, percluse de conventions et de faux-semblants. Dans ces demeures victoriennes où dominent alcoolisme camouflé et mondanités de pacotille, Lewis dérange. Roman obsédant, Le Proscrit rend compte, sous la forme d’une pertinente chronique sociale, des faiblesses d’un père et du lâche aveuglement de toute une communauté. C’est élégant, noir et étrangement hypnotisant.
Le Proscrit, Sadie Jones, traduit de l’anglais, Buchet Chastel, 377 p. (Article publié dans le Vif L'Express du 20 mars 2009)
Approche kaléidoscopique
La Patience des buffles sous la pluie est un livre étonnant de concision : en cent cinquante pages, il concentre soixante-neuf textes. L’auteur a le sens de la formule et de l’observation, il analyse avec une économie de moyens stupéfiante les remous de l’âme humaine. Décortiquant l’homme dans ses mesquineries et ses grandeurs, il jette avec adresse sur le papier des instantanés de vie. On sourit, on rougit, on rit jaune, on devient vert. David Thomas nous en fait voir de toutes les couleurs sur l’odieux et attachant terrien que nous sommes. Inutile de se mettre la tête dans le sable : si on y reconnaît sa voisine de palier ou une ancienne connaissance, on est surtout convié à un rendez-vous avec soi-même. Au travers de ces différents portraits, on n’échappera pas à son propre reflet, tantôt cruel, tantôt indulgent.
La Patience des buffles sous la pluie, David Thomas, Bernard Pascuito éditeur, 151 p. (Article publié dans le Vif L'Express du 20 mars 2009)
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